NOMS DES DIEUX
Le nom (ren) dans l'Egypte ancienne est une composante essentielle de la personnalité. Il définit l'essence / la nature de l'être ou de la chose nommée. Dans la sphère magique (heka), les sorts n'opèrent pour protéger ou attaquer quelqu'un que lorsqu'ils sont associés au nom de la personne à protéger ou à attaquer. Aussi, connaitre le vrai nom d'un être c'est avoir un certain pouvoir sur lui, c'est être capable de le contraindre. Ce pouvoir peut être aussi bénéfique puisque prononcer le nom d'un défunt c'est le faire revivre. Par conséquent, plus un être a de noms, plus il est puissant car :
Il est donc entendu pour les Egyptiens que les dieux n'ont pas qu'un seul nom mais une multitude. Le nom par lequel ils sont communément connus ne fait que cacher leur vrai nom secret. |
Aux noms traditionnels et connus des divinités égyptiennes (tels que Horus, Isis, Rê...), les Egyptiens ajoutent ce que les archéologues appellent des épithètes divines. Ces épithètes sont appelées par les Egyptiens des "noms" (ren) et doivent donc être considérées comme les noms alternatifs des dieux connus. Les épithètes prennent la forme d'un groupe nominal ou d'une courte phrase descriptive qui se rapporte à la divinité invoquée. Ex : Osiris, le grand, le premier de ses frères, l'aîné de l'Ennéade... Il faut noter, cependant, que le nom du dieu lui-même, s'il était traduit de l'égyptien au français aurait cette même forme. Ex : Osiris = celui sur qui on pratique (le rite). Les épithètes sont donc, d'un point de vue égyptien, d'authentiques prénoms. Elles peuvent également remplacer le nom du dieu entièrement sans que son nom traditionnel soit mentionné. |
Les Egyptiens n'ont pas fixé de limite au nombre de noms qu'un dieu peut avoir. Ainsi, on recense environ 5000 noms pour la déesse Hathor contre moins d'un millier pour d'autres dieux. Les épithètes (ou noms) n'apparaissent jamais tous en même temps. Ils sont choisies en fonction de certains critères :
Les prénoms-épithètes des divinités égyptiennes ne sont jamais exclusifs à un seul dieu. Si certaines sont plus fréquentes pour désigner tel ou tel dieu, d'autres peuvent être l'apanage de tous les dieux. Ex : l'épithète "le plus grand des dieux" peut désigner n'importe quelle divinité, aussi bien Amon qu'un obscur dieu local. |
Adorer Amon-Rê taureau au coeur d'Héliopolis ; chef de tous les dieux dieu parfait, le bien aimé qui donne vie aux flammes et au bétail Salut à toi, ô Amon-Rê, seigneur du trône des Deux Pays qui présides à Karnak ; le taureau qui domine ses champs Extrait d'un hymne au soleil (1400 av. J-C), trad. C. Lalouette Adorer Thot le fils de Rê, la lune aux beaux levers, seigneur des apparitions radieuses lumière des dieux Extrait d'un hymne à Thot (1300 av. J-C), trad. C. Lalouette Ces deux extraits présentent le début de deux hymnes à Amon-Rê et à Thot. Les deux textes commencent de la même manière avec un titre "adorer X". Le nom du dieu est suivi d'une sélection d'épithètes (ou noms alternatifs du dieu). L'hymne proprement dit vient ensuite.
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- Ce que révèlent les noms
Le nom, pour les Egyptiens, dévoile la nature / l'identité de celui qui le porte. Aussi, l'intérêt des épithètes divines (les autres noms des dieux) est de révéler à notre compréhension la nature de la divinité, ce qui la définit, ce qu'elle est en réalité.
Ex : dans l'hymne à Thot ci-dessus, Thot est présenté comme la lune (lune enfant de Rê, lune lumineuse...). Cette nature lunaire de Thot n'est pas marquée dans son nom basique "thot" (dont la signification exacte est d'ailleurs perdue). Ses noms alternatifs enrichissent donc son identité et sa nature.
Les noms traditionnels des dieux (par lesquels on les connait) ne révèlent en fait presque rien de leur identité. Car les dieux égyptiens sont secrets et ne se dévoilent jamais entièrement. Ils ne peuvent être compris en totalité par un esprit humain. Paradoxalement, mêmes leurs épithètes (plus explicites), par leur multiplicité, ne font que brouiller la véritable nature des dieux.
Ex : On remarque ainsi qu'aucun dieu ne porte le nom d'un élément, ni d'un sentiment. Les dieux lunaires, Thot et Khonsou, ne s'appellent pas 'lune' ; les déesses célestes, Nout et Hathor, ne se nomment pas 'ciel'. De même, Hathor, souvent qualifiée de déesse de l'amour, ne se prénomme pas 'amour'. Ils ne sont donc pas l'équivalent de la lune ou du ciel ou de l'amour mais ils se manifestent en partie et en certaines occasions dans la lune, le ciel ou l'amour ce qu'admettent les épithètes.
Les noms traditionnels des dieux sont formés selon plusieurs principes qui les caractérisent de manière très générale, laissant ainsi place à l’interprétation de leur nature divine.
- un nom géographique : certains dieux sont liés à la ville qui abrite leur sanctuaire principal comme autrefois certains hommes étaient "de X ville" (Bastet est "celle de Bubastis", Nekhbet est "celle d'el-Kab").
- un trait physique - un comportement : certains noms informent sur ce à quoi ressemble la divinité lorsqu'elle est figurée (Geb "est étendu", Seshat "écrit", l'Uraeus est "le cobra").
- un trait de caractère : quelques noms mettent l'accent sur la personnalité du dieu (Sekhmet est "puissante" et Sopdou est "efficace").
- Des épithètes divinisées
On l'a dit, en Egypte, le nom est puissant. Il résume l'être, son identité. Il est donc naturel de voir quelques épithètes (ou noms alternatifs d'une divinité) prendre leur indépendance et devenir des dieux à part entière.
Ex : Oupouaout (celui qui ouvre les chemins) n'était autre qu'un des noms-épithètes du dieu Anubis. Peu à peu, avec le temps, il s'est forgé sa propre personnalité et est devenu un dieu entièrement indépendant (avec ses représentations, ses lieux de culte, ses propres épithètes, ses attributs...).