LE SYNCRÉTISME EGYPTIEN
En religion, le syncrétisme est une fusion de différents cultes ou de différentes doctrines. C'est une tentative pour concilier différentes croyances en une nouvelle qui en fait la synthèse. Extrait de la déf. du CNRTL Ainsi, habituellement, le syncrétisme se fait entre différentes religions. Par exemple, le dieu alexandrin Sérapis est une fusion entre Zeus (dieu grec) et Osiris-Apis (dieu égyptien), issu de la rencontre entre deux cultures. Le syncrétisme égyptien est une particularité de la religion égyptienne en ce qu'elle pratique la fusion de divinités issues du même panthéon. Ex : Chez les Grecs, Zeus d'une part et Poséidon d'autre part sont deux dieux indépendants. On ne peut les confondre. Mais les Egyptiens, eux, n'ont aucune difficulté à dire que Amon d'une part et Rê d'autre part ne forment qu'une et même entité appelée Amon-Rê. Amon et Rê partagent alors leurs apparences, leurs fonctions, leurs mythes... |
L'égyptologue E. Hornung résume la pensée religieuse des Egyptiens de cette façon : à l'origine, il n'y avait qu'un principe divin (un seul créateur unique) qui, pour créer le monde, a été obligé de se démultiplier en millions de divinités. Pour les Egyptiens, la création est mouvement, différenciation, séparation. A l'inverse, l'inexistence est inerte et uniforme. Ex : S'il n'y a rien au départ que les flots, il faut commencer par distinguer la terre de l'eau pour initier un mouvement créateur. Par conséquent, les dieux égyptiens sont tous issus d'un même créateur dont ils ne sont que les différentes facettes. Le créateur égyptien est tous les dieux. Il se vénère à travers tous les dieux. Ex : Dans chaque ville égyptienne, le clergé vénère le dieu protecteur de la ville comme le créateur. C'est ainsi que Amon, Atoum, Khnoum, Min, Neith, Rê... sont tous le créateur unique dans leur ville respective. Par ailleurs, si tous les dieux sont le créateur, alors chaque dieu individuellement peut être confondu avec un ou plusieurs autres dieux puisqu'ils font partie du même tout. Ex : Khepri est le soleil levant, Rê le soleil au zénith, Atoum le soleil couchant. Alors Khepri-Rê-Atoum est le soleil. Hathor est la mère biologique qui met au monde, Isis la mère qui élève l'enfant. Alors Hathor-Isis est la mère. Le créateur est à la fois le soleil (indispensable à la vie), sa propre mère et son propre père (il s'est auto-engendré). Alors Khepri-Rê-Atoum-Hathor-Isis sont une même entité créatrice. |
- Fonctionnement du syncrétisme égyptien
Le syncrétisme égyptien se caractérise par la fusion d'au moins deux dieux qui, ensemble, créent une nouvelle divinité. Ces fusions ne sont pas aléatoires. Elles sont fondées sur le principe de la ressemblance et de l'analogie. Ainsi, sont assimilables :
- Deux divinités qui partagent une même apparence (même animal sacré). Ex : Sekhmet, Tefnout, Bastet, déesses lionnes.
- Deux divinités qui ont des fonctions semblables ou complémentaires. Ex : Horus, le roi vivant et Seth, le roi de guerre peuvent se fonder en une entité royale Horus-Seth.
- Deux divinités qui partagent la même nature. Ex : Horus et Rê, dieux solaires, deviennent Rê-Horakhty.
- Deux divinités qui ont des fonctions qui se font échos (selon la pensée égyptienne). Ex : Naissance et (re)naissance avec Hathor et Nephtys ; le ciel et la mère avec Hathor-Nout.
Lorsque deux ou plusieurs dieux ont été assimilés selon ce principe, le syncrétisme se traduit de plusieurs manières :
- L'attribution d'un même mythe à plusieurs dieux. Ex : La déesse solaire qui faillit détruire l'humanité dans le mythe de La Lointaine peut être, selon les versions, Hathor, Bastet, Tefnout ou Sekhmet.
- L'emprunt des apparences et/ou des attributs. Ex : Isis apparaît souvent avec les cornes de vache, typique de la déesse Hathor. Hathor-Nout apparaît comme une vache étoilée (la vache d'Hathor avec les étoiles de Nout).
- L'emprunt de la fonction. Ex : Thot récupère les fonctions guerrières de Khonsou, Thot et Khonsou étant confondus pour leur nature lunaire.
- Conclusion
Le syncrétisme est un des principes essentiels de la religion égyptienne où aucun dieu n'est indépendant d'un autre et où chaque dieu est mis en réseau avec d'autres dieux. Ce système permet aux dieux d'augmenter leur puissance et leur influence en prenant l'apparence d'un autre, en récupérant ses fonctions et ses attributs. Il permet également aux Egyptiens d'unifier leur religion car une divinité locale devient alors une manifestation particulière d'une divinité connue dans tout le pays.
Enfin, il faut garder à l'esprit que l’Égyptien de l'Antiquité n'a pas besoin d'apprendre tous les principes d'une religion dans laquelle il baigne et dont il perçoit intuitivement le fonctionnement. Il n'est d'ailleurs pas obligatoirement familier de tous les dieux qui l'entourent. Il s'adressera le plus souvent aux dieux domestiques (qui interviennent dans la vie pratique), à ses dieux locaux (lors des fêtes locales, des manifestations aux abords de son temple) et sera familier des grands dieux de l'Etat pharaonique.